Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
C'est toujours plus vert ailleurs.
21 octobre 2010

A pattes de Velours.

Vendredi 15 Octobre 2010 :
   
   Ka. et moi nous dirigeons vers Foregate en parlant de ses premières impressions sur le travail fait au collège. Elle parle peu, elle est encore dans cette douce phase de doute, d'hésitation sur chaque mot qu'elle utilise. Je l'écoute d'une oreille, ma deuxième étant concentrée sur le bruits que font mes nouvelles chaussures de gonzesses ; ce genre de bottes à talons que je n'aurais jamais portées il y a quelques années. Mes pieds me font mal, et je sens déjà une ampoule se former sur mon petit orteil, mais qu'importe : je suis habillée en véritable gonzesse, le tout dans mon manteau rouge irradié. C'est étrange de porter des couleurs. Cet été, je me suis naturellement rabattue sur le noir, comme d'habitude. De retour en Angleterre, et me voilà en proie à ces tourments qui me manquaient tant : converses, rangeos ou bottes de pouffe ? Jeans bleus ou noirs ? Tee shirt noir, bleu, rouge, blanc, vert ?

   Ce soir, je me force à la couleur avec ce manteau en velours rouge, mais le reste sera noir.

   A la gare, je retrouve cette sensation familière : autour de nous, l'excitation générale des gens entamant leur weekend, impatients de rentrer chez eux, de retrouver le chaos de Birmingham. Birmingham l'industrielle, la bruyante, la dégueulasse, l'aléatoire, l'imprévisible, l'immense. Les portes du train s'ouvrent, et les femmes s'y engouffrent en gloussant, vêtues telles de véritable péripatéticiennes, en parlant de leur semaine passée sur W. Plus une place assise, mais qu'importe. Ka. prend un siège réservé aux handicapés, et je reste debout. Au loin, j'aperçois ce type au visage familier, agréable à regarder. Je me concentre sur la musique et tente de m'occuper pendant le trajet.

   New Street. Heure de pointe. Les quais sont plus surpeuplés que ceux de Montparnasse un vendredi soir, des ados "cools" font mumuse avec leurs vélos argentés, étincelants. Nous prenons la direction de la sortie. Dehors, il pleut. Sourire. Birmingham sous la pluie, comme toujours. Nous partons vers le Bullring, que Ka. n'a jamais vu auparavant, ce qui la fascine, elle qui n'a jamais vu de grande ville auparavant. Je fais deux-trois folies au magasin Disney, puis nous nous en retournons vers la gare en vue d'y retrouver deux autres expatriés.

   Une demie plus tard, les voilà. Un français et une allemande. Le français est un genre de gothique qui se veut classe, mais qui sent le hippie. Ca m'amuse. L'allemande me rappelle quelqu'un, ou plutôt une couverture de livre, mais je ne sais plus laquelle. Nous marchons à la recherche d'un type venu d'Autriche. Une fois réunis, nous allons vers un bar étrange nommé The Victoria. Endroit familier. J'ai dû y passer l'an dernier avec Sandra. A l'étage, le bar est encore fermé, mais nous y trouvons une table suffisamment grande pour nous tous. La soirée passe. L'autrichien - qui a des allures de mormons mais qui s'avère être un type formidable - s'en va. Nous décidons de prendre le train pour repartir sur W. et y finir la nuit, ce qui prend plus de temps que prévu puisque le "hipp-othique" s'engueule avec le contrôleur.

   W., Friar Street. Les femmes ne marchent plus droits, et sont suivies par des hommes tous plus avinés les uns que les autres. Des éclats de rire puissants, une bagarre au loin, sans parler des couples étranges et des tenues improbables qui agressent mes yeux fragiles. Je propose à l'allemande et au français de rester avec nous, et leur offre ma chambre en guise de repli éventuel.

   Velvet L. Cela faisait si longtemps. La musique est à chier, comme elle l'est tous les soirs avant une heure du matin. La cave est déserte, ce qui nous permet de faire les marioles pendant une demie heure, tout en buvant du Sailor Jerry autour d'une table collante et à moitié brûlée. Une heure plus tard, le sous sol est enfumé, il fait trop chaud et le doux parfum des effluves corporelles se mêle à un somptueux parfum de merde et d'alcool. Le sol colle et les murs sont moites. Le Hippie qui se Renie s'amuse à m'emmerder, et nous finissons par nous envoyer mutuellement valser à terre. Retour à l'enfance.

   Je suis saoûle et tente d'entamer une conversation sérieuse sur les avantages et inconvénients de vivre en France avec un parfait inconnu qui ne sait même plus comment allumer sa cigarette. Tout va bien. La nuit passe, les gestes se font de plus en plus maladroits, les conversations de plus en plus "philosophiques" et aléatoires. Je respire cet air glacé, j'inspire à pleins poumons, et je réalise à quel point je suis heureuse d'être de retour. Malgré les proches qui manquent. C'est un processus d'oubli comme un autre. Processus qu'il m'est difficile d'accepter, voilà tout.

   A l'aube, nous rentrons. Le Hippie et sa coloc allemande débarquent dans ma chambre qui empeste l'oignon. Ils parlent fort et font tout tomber. Je ris à mon tour en réalisant le ridicule de la situation : on dirait des gosses qui auraient fait le mur et qui ont peur de se faire engueuler par les parents. Des enfants de 21-24 ans. Merle se change et se faufile dans mon lit en tripotant mon Némo en peluche. Le Hippie me parle tout en se déshabillant, ce qui me surprend un peu. Je peux compter ses côtes en quelques secondes. Je lui gonfle un matelas, lui jette deux ou trois couvertures sur le dos et lui souhaite une bonne nuit. Merle m'apprend de l'allemand tandis que je lui apprends du français. Elle finit par me sortir un "Je voudrais que tu me baises", ce qui me fait pousser un dernier éclat de rire épuisé avant de me laisser emporter par les bras de Morphée.

Publicité
Commentaires
Publicité
C'est toujours plus vert ailleurs.
Publicité