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C'est toujours plus vert ailleurs.
2 janvier 2011

BILAN

Chers petits enfants,

   Comme vous l'avez sans doute déjà remarqué, les étudiants ne vivent pas vraiment au rythme du calendrier grégorien, mais plutôt à celui des semestres universitaires, et des vacances d'été de plusieurs mois. Du coup, maintenant que les fêtes sont terminées, et que mon frère vient de repartir pour Poitiers, me laissant désormais seule avec mon paternel, je profite d'un de ces dimanche rochelais mornes, ternes et chiants pour réfléchir au bilan de ces six derniers mois.
   L'année 2010 fut une descente progressive en enfer, disons-le franchement. Il y a un an, je venais de célébrer mes 4 premiers mois passés au pays des Angles, je partageais la maison avec une allemande exceptionnelle, je découvrais encore les joies de l'enseignement et de la vie dans le nord, je picolais allègrement avec l'énergie d'une jeune adolescente à la recherche de sensations fortes, bref, c'était encore l'insouciance de la jeunesse, avec toutefois la crainte de voir ces beaux jours disparaître aussi rapidement qu'ils n'étaient apparus.
    Par la suite, le printemps pointait le bout de son nez, et j'en profitais pour gambader à droite et à gauche en compagnie de quelques assistants venus de différents pays d'Europe. Villes d'Angleterre, Pays de Galles, Ecosse, tout y passait, avec à chaque fois la promesse de nouveaux souvenirs mémorables à garder précieusement dans un coin de son hippocampe. Bref, mon système limbique bandait 24 heures sur 24. Pendant 5 mois, j'ai enchainé les rencontres improbables, douteuses, les breuvages, les lendemains qui piquent, des expériences que je n'aurais jamais essayées en temps normal, surtout à Hell Air, ville aux perspectives trrrrrrrrrrrrès (ou du moins trop, maintenant que j'ai légèrement épuisé le sujet) limitées. Après tout ça, mon premier contrat s'est achevé, puis vint le temps des adieux, choses que je maîtrise fort mal. Ma coloc a repris le train, me laissant seule et désemparée sur un quai de gare pourri, puis je pris le mien, direction France, avec son gros lot de souvenirs, et heureusement, son plus petit lot de personnes auxquelles je suis attachée.
   L'été sur Hell Air ... mmmhhh, si vous n'êtes pas un gros hippie en sarouel (le pantalon-chiage-dans-son-froc) ou un féru des grandes foules en tongs (aussi appelées communément claquettes, savates ou bien gougounes) adoptant le look Lafuma Touch et des festivals de musique foireux (spéciale cassdédi aux Francofolies merdissimales), laissez-moi vous dire que vous avez de grandes chances d'y laisser des plumes et de vous faire chier comme jamais ! ... sans parler du sentiment d'oppression et de fatigue qui résulte de tout ce merdier. Bref, ajoutez à cela un été d'engueulades avec mon paternel, la promesse grandissante d'une guerre entre mes parents qui divorcent, la présence plus qu'absente de mon bien aimé frangin et la perspective de voir mes amis s'envoler pour l'autre bout du monde, et vous voyez grosso modo le genre d'été qui tache qu'a été l'été 2010. Heureusement, je pouvais toujours me réfugier chez quelques amis tout aussi esseulés et perturbés par le soleil d'Août. Puis il y a eu mon renouvellement de contrat dans mon école adorée. J'ai donc repris l'avion, et hop, retour en Angleterre.
   Les débuts furent difficiles, décevants sur bien des points, et assez lents. J'ai mis du temps à m'adapter à l'absence de ces visages si familiers, puis j'ai appris à apprécier ma nouvelle coloc, différente, étrange mais tout de même agréable et relativement adaptée à mon tempérament. Je finis par tomber les griffes et me dire qu'il s'agit juste de quelque chose de différent. Le boulot me plait toujours, c'est déjà ça, alors j'envisage de postuler pour l'université afin de devenir professeur de langues. Les mois passent, je les passe à faire du sport, à faire connaissance avec les nouveaux assistants -bouffeurs d'ail et teutons pour la plupart, comme vous le savez-, à être surprise par certaines personnes, à être déçue par d'autres. Le froid pénétrant de l'hiver me paralyse, me brûle la peau et me file une pneumonie suivie d'une bronchite à vous en éclater les sinus et les poumons. Je tousse du sang, mon nez produit des litrons de mucus, je sue, je délire, je déprime, je repars passer les fêtes de Noël, et c'est là qu'on en arrive à la situation actuelle.


   Arrivée à Londres, je reste bloquée cinq jours à l'aéroport ; la maladie n'arrangeant pas les choses, je chiale, je tousse, je piétine et je finis par me dire que je voudrais bien rentrer chez moi, dans cette Rochelle qui me fait tant chier. Lors de mes nuits passées dans et aux alentours de l'aéroport, je pense à mon chat, mes petits camarades (oui oui), ma famille, je stresse, je m'isole ou bien je gueule sur ces cons de chez Easyjet. Je finis par connaître Gatwick comme s'il s'agissait d'une résidence secondaire ; les chiottes deviennent ma salle de bain, le terminal sud mon salon où j'y rencontre d'autres expatriés, bref, un vrai bordel jusqu'à ce que mon troisième vol finisse par m'emmener jusqu'à Bordeaux. Bordeaux, train, Hell Air, ma mère, mon père, mon chat, ma chambre remplie de cartons annonçant la fin de notre vie dans la maison, la fin de l'enfance, le début de mon statut "d'enfant de passage". Heureusement, je revois Romain, David, Marjolaine, son Breton Nicolas, j'aperçois d'autres têtes familières assises à la terrasse des cafés mais je me tiens à distance, par peur, par flemme. Je passe la plupart des vacances fourrée avec mon frère, puis nous partons dans les Landes, où j'y retrouve ma forêt de pins, ma famille, des quantités effarantes d'alcools en tous genres. Quinze jours, ça passe vite, mais j'en ai bien profité. Je songe à l'avenir, je songe à cet avenir plus qu'incertain en Angleterre, à mon refus de devoir choisir un boulot pour les cinq prochaines années. Je suis trop jeune, je suis encore une enfant, je ne veux pas m'enchainer à ce genre de contraintes, je veux rester étudiante, statut qui me permet de prolonger cette jeunesse fuyante, incertaine, bordélique. Je me prends à rêver d'un quotidien fait d'université, d'un appartement rien qu'à moi pour une fois, à mon chat sur mon lit, à mon mobilier d'étudiante pauvre, éphémère, comme tout le reste, et au potentiel énorme que cet endroit si personnel pourrait avoir. Cette sensation de ne plus avoir sa place nulle part me pourrit un peu les fêtes. Je repars dans trois jours pour Gatwick, et je me dis que j'aurais bien apprécié une semaine supplémentaire, histoire de revoir davantage mes amis proches et ma famille ... étrange. La prochaine fois, il y aura un ami en moins dans les environs, ma maison ne sera plus mienne, tout ce que je connaissais depuis 15 ans aura disparu.
   Ca y est, j'y suis : ce gouffre, cette absence de répère, cette grande décision à prendre qui affectera les deux prochaines années. Putain. Et merde. Je sais que ça se passera bien, mais quite à savoir que ma vie sur Hell Air se casse la gueule, j'aurais voulu y assister en première loge, et non pas suivre ça à distance, par le biais d'écrans interposés.

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Commentaires
S
Ha, toi aussi tu as l'alcool geignard ?<br /> (bienvenue dans mon monde XD)
C
J'essaye de ne pas boire trop en soirée, sinon j'ai tendance à étaler ce baratin en société. MMMhhhhh ... j'aimerais tellement recevoir un gros coup de pied au cul histoire de me faire bouger un peu.<br /> Je me donne un mois pour commencer à paniquer. <br /> <br /> ... "Poite la mirifique", splendide !
S
Je découvre sans doute un brin tard ce baratin. Il est terriblement mélancolique. Et c'est tellement presque le mien, les mouvements en moins.<br /> Je crois qu'un n'est pas obligés de choisir maintenant notre vie future. Que même à 50 ans on sera des gamins qui ne savent pas de quoi sera fait le lendemain, et c'est un peu ça qui est chouette. Ou pas. On peut toujours changer en cours de route, s'arrêter le long du chemin et dire "continuez sans moi, j'prends un raccourci/rallongi par la forêt làs bas et je vais cueillir des fleurs".<br /> <br /> Ha, aussi : on est plus peinard sans passé. Ça colle toujours comme un vieux caleçon sale.
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